Le CR officiel de la mission parlementaire envoyée en hollande:
Mission sur la gestion des populations d’oies cendrées aux Pays Bas du 27 au 29 mai 2009
Compte rendu
1- Déroulé de la visite
Le déplacement a permis de rencontrer les principaux acteurs concernés par la gestion des oies cendrées, au niveau local dans la province de Zélande et au niveau national. Il a permis à la délégation de découvrir un contexte très différent de celui de la France, que ce soit au niveau des choix d’aménagement du territoire, de la perception des missions des agriculteurs, de la chasse ou de la notion même de nature.
Les Pays-Bas sont concernés par plusieurs espèces d’oies. Les oies présentes en hiver (migration et hivernage) sont, par effectifs décroissants, l’oie rieuse, la bernache nonnette, l’oie cendrée, l’oie des moissons et la bernache cravant et l’oie à bec court. Les espèces nicheuses sont l’oie cendrée, la bernache nonnette, la bernache du Canada, l’ouette d’Egypte et une population férale d’oie domestique.
2- L’état de la population d’oies cendrées
La visite a mis en évidence une population en forte croissance depuis plus d’une dizaine d’années :
- Selon René Steij, Province de la Zélande, là population est passée de 500 000 oies cendrées en 2006 à 600 000 oies en 2008 pour le nord ouest de l’Europe. Selon MEbbinge, cette population atteignait 800 000 oies en 2008.
- Les premières oies hivernantes arrivent plus tôt et les dernières repartent plus tard.
- Enfin, des oies cendrées recommencent à nicher aux Pays Bas depuis les années 1980, alors que ce phénomène avait disparu depuis les années 1950.
Plusieurs facteurs explicatifs ont été mis en évidence :
- un rôle probablement majeur de modification des habitats avec l’intensification de l’agriculture, la création d’un réseau de grandes réserves, la présence de nombreuses étendues d’eau et la création de zones d’accueil pour les oies.
- La fin de la chasse en 1998
- La réintroduction d’oies cendrées par des particuliers
- Un système d’indemnisation important qui permet de fédérer tous les acteurs
Par ailleurs, les différents acteurs ont insisté sur le fait que la problématique de la gestion de l’oie cendrée devait être scindée en deux sous ensembles :
- la gestion des oies « d’hiver ». Il s’agit d’oies qui viennent du nord de l’Europe et s’arrêtent momentanément ou pour tout l’hiver aux Pays Bas. Cette population semble relativement bien acceptée par tous les acteurs, y compris par le monde agricole. Elle conduit cependant à une régulation importante, avec un prélèvement de 109 000 oies et canards siffleurs en 2007-2008. Un système d’indemnisation des dégâts occasionnés et de rémunération des terrains mis à disposition des oies par les agriculteurs est établi depuis plusieurs années et répond dans l’ensemble à la problématique des impacts sur le territoire.
- la gestion des oies « d’été ». Il s’agit d’oies qui restent tout l’été aux Pays Bas. En 2005, 24 454 couples nicheurs ont été recensés et ce nombre est en augmentation depuis.. Ce phénomène, nouveau, pose question, impacte les productions d’été des agriculteurs et de ce fait n’est pas bien accepté. C’est pourquoi les œufs des nids font eux aussi l’objet de mesures de stérilisation par intervention humaine.
La Vogelbescherming (association de protection des oiseaux) considère quant à elle ce retour des oies nicheuses comme un succès. La part des oies sédentaires dans cette population mérite un approfondissement puisque selon M Ebbinge, une moitié d’entre elles serait sédentaire alors que ce serait l’essentiel de cette population selon M Steij.
Les oies non sédentaires viennent de pays plus au sud (France, Espagne, …?).
3- Le statut de l’oie cendrée aux Pays Bas
Contrairement à la France où l’oie cendrée est une espèce chassable, elle est une espèce protégée aux Pays Bas.
Une discussion au sein d’une table ronde s’est tenue il y a deux ans dans le pays sur l’évolution ou non du statut de l’espèce entre trois options :
- garder l’oie cendrée dans la catégorie des espèces protégées.
- L’ajouter à la liste des six espèces chassables
- L’introduire dans la liste intermédiaire d’exception (qui contient par exemple le renard)
Finalement, il a été décidé de garder le statut d’espèce protégée et de développer des mesures d’exception, qui sont définies par chaque province pour réguler l’espèce (destruction avec licences sous forme de dérogation, gazage, œufs « secoués », etc…).
La principale raison qui conduit à ne pas reclasser l’oie en espèce chassable semble être le divorce de la société néerlandaise, essentiellement urbaine, avec la chasse. Une autre raison est étonnamment que la population a déjà trop augmenté. Le nombre très faible de chasseurs (28 000 pour l’ensemble du pays) ne permet pas de gérer uniquement par la pression de chasse l’évolution de population.
4- Les mesures de gestion des oies cendrées
La gestion se caractérise par des mesures préventives (mise en place d’un réseau de zones d’accueil, effarouchement), des mesures d’indemnisation de dégâts et des mesures de destruction.
a/ Les mesures préventives
Il s’agit d’une sorte de contrats d’agriculture durable spécifiques. Les agriculteurs sont rémunérés pour mettre à disposition des oies des terrains, qui perdent de fait leur vocation de production. Les agriculteurs doivent remplir un cahier des charges précis pour pouvoir toucher les subventions (pas de prélèvement d’oies, pas de mesures ‘effarouchement, pas de pâturage, etc…).
L’objectif est de concentrer les oies dans ces secteurs, ce qui est en partie atteint puisque 60% des oies cendrées sont comptabilisées dans le réseau de zones d’accueil ainsi créé.
Le montant des dégâts indemnisés par l’Etat s’est élevé à 16 millions d’euros pour la saison passée.
Par ailleurs, l’Etat et l’Europe financent à parts égales à hauteur d’environ 90 millions d’euros par an la mise en place et le maintien de zones d’accueil (aides pouvant aller jusqu’à 800 € /ha).
b/ Les indemnisations de dégâts
En dehors des zones d’accueil, les agriculteurs qui subissent des dégâts ont droit à des indemnisations, après estimation par un expert de leur importance. Les indemnisations recouvrent entre 80 et 95% des dégâts subis.
c/ Les mesures de destruction
Afin de contenir l’évolution forte de population, les Pays Bas ont mis en place plusieurs mesures de prélèvements complémentaires :
- des licences spécifiques sont accordées aux « destructeurs »
- des captures puis gazages des oiseaux ou abattage au bâton ont été réalisés (avec de fortes polémiques),
- la destruction d’œufs des oiseaux nicheurs est organisée (œufs secoués ou percés)
- la séparation des zones de reproduction des zones de nourrissage : cette dernière mesure consiste en la clôture des zones humides où les oies se reproduisent. Les oisons qui ne volent pas encore ne peuvent pas accéder aux prairies et meurent de faim.
Il apparaît que malgré l’ensemble de ce panel de mesures, la population d’oies cendrées continue d’augmenter fortement.
109 000 canards et oies ont été prélevées en 2007-2008 dont 44 000 oies rieuses, 43 000 oies cendrées et 22 000 canards siffleurs.
5- les questions en suspens, suites à donner ?
a/ la question des habitats.
La présence de réserves avec des étendues d’eau, de roseaux, de prairies et à proximité de cultures plus riches en protéines semblent être des facteurs déterminants pour la présence et le développement d’oies. Il pourrait être intéressant d’étudier dans quelle mesure la France pourrait favoriser l’implantation de sites favorables au stationnement voire à la reproduction de populations d’oies.
b/ L’évolution de la migration des oies cendrées
Le déplacement a permis de mettre en évidence une évolution du comportement d’une partie de la population des oies cendrées. Certaines d’entre elles ne migrent plus et nichent sur place aux Pays Bas, d’autres migrent plus tôt ou se déplacent moins.
Il semble nécessaire de poursuivre les recherches pour préciser les périodes de migration, si les déplacements au dessus de la France correspondent à une migration prénuptiale ou plutôt à des déplacements à la recherche de nourriture plus intéressante, et le pourcentage réel d’oies sédentaires ou provenant de la France dans les oies nicheuses aux Pays Bas.
c/ La coopération avec les Pays Bas
Le déplacement a mis en évidence que l’ensemble des mesures mises en œuvre par le gouvernement des Pays Bas ne permet pas pour l’instant de stabiliser la population d’oies dans le pays. Une coopération pour étudier les interactions entre les deux pays et dans quelle mesure une intervention en France pourrait les aider à maîtriser ces populations d’oies mérite d’être approfondie.
Ces trois points pourraient utilement être confiés au GEOC.