Une autre vision....
Rapport Moral D'yves Butel lors de l'AG de l'UFC
Assemblée générale de l’Union des fédérations côtières
Parc du Marquenterre – Somme
Vendredi 30 mai 08
Intervention d’Yves Butel, Président de l’Union des fédérations côtières, de la Fédération des chasseurs de Picardie, de la Fédération des chasseurs de la Somme.
Chers amis,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui au Parc du Marquenterre, site emblématique pour les oiseaux d’eau. J’aurais pu vous inviter à la Fédération, à Amiens, ou ailleurs, mais c’est à dessein que j’ai choisi ce Parc ornithologique de renommée internationale, pour illustrer notre volonté d’ouverture.
Tous ici, nous avons la chance de disposer d’une façade maritime, permettant une chasse passionnante et abordable à tous. J’aurais aimé que Jérôme Bignon soit parmi nous. Il m’a prié de l’excuser, étant parti pour une mission confiée par Nicolas Sarkozy. Outre sa casquette de Président du Groupe Chasse à l’Assemblée nationale, il porte, vous le savez, celle de Président du Conservatoire du littoral. A ce titre, il doit être notre interlocuteur privilégié. Il faut en effet que la chasse durable puisse s’exercer sur les terrains du Conservatoire. Je me fais fort de faire remonter vos remarques et vos soucis.
Je voudrais surtout, qu’à l’occasion de cette assemblée générale des côtiers, nous réfléchissions sur notre avenir proche. La chasse du gibier d’eau vit actuellement une période importante, je dirais une période charnière de son histoire. Mes amis, nous sommes à la croisée des chemins, et deux directions s’offrent à nous.
La première, que nous connaissons, est celle de la résistance, de la revendication, des menaces. C’est sur ce chemin que nous avons connu le déclin depuis une vingtaine d’années, notamment dans nos périodes de chasse, raccourcies d’un tiers. Je ne dis pas que ce qui a été fait fut inutile et mes états de service prouvent que j’y ai cru et participé : il fallait le faire pour apprendre, pour comprendre. Quand on a compris, il faut en tirer les conclusions. Nos amis d’en face ont eux aussi leurs tenants de cette direction : ils ont produit récemment le document signé Athanaze, Jarry et consorts.
La seconde direction est nouvelle ; elle est faite d’une réelle ouverture vers les scientifiques, les autres protecteurs de la nature, nos gouvernants et la société civile. C’est cette voie que je vous propose d’étudier aujourd’hui.
Nous sommes à la croisée des chemins car le Gouvernement nous tend la main avec les tables rondes de la chasse. J’ai participé cette semaine à la première, qui s’est plutôt bien déroulée. Je ne suis pas né de la dernière pluie mais à la réflexion, la chasse n’a-t-elle pas plus à gagner qu’à perdre dans cette consultation, malgré la présence – que nous avons dénoncée – d’opposants institutionnels, comme le ROC ou la LPO ? Ne croyez pas que je sois tout à coup devenu naïf mais j’ai une grande confiance en Jérôme Bignon qui orchestre ces tables rondes.
Nous sommes à la croisée des chemins car nous avons, enfin, des données sur nos activités. Notre rôle dans la nature est incontestablement positif, notamment de par l’entretien des zones humides que nous réalisons depuis des lustres. Sans nous, nombre de marais seraient des champs de maïs. Aujourd’hui, il semblerait que les protecteurs de la nature soient prêts à le reconnaître. Ce serait un premier pas appréciable… Cette approche des espaces doit primer sur celles des espèces. Le sort des espèces dépend en effet des espaces, alors que le contraire n’est pas vrai. C’est donc sur les espaces que nous devons travailler en priorité, pour pérenniser la chasse. Ces données que nous commençons à produire nous montrent l’immense travail qui nous attend pour les collecter, en mener de nouvelles, avec des scientifiques neutres, et notre formidable réseau de compétences au sein de nos fédérations.
Les exemples existent. Le premier s’appelle IMPCF. Nos amis du Sud-est ont créé ce merveilleux outil qu’ils utilisent notamment sur les grives. Ils ont eu raison et nous, chasseurs de gibier d’eau, nous avons eu tort de ne pas emprunter cette voie car nous n’avons pas les résultats qu’eux peuvent afficher. Nous avons dix ans de retard ! Je n’en suis que plus motivé pour démarrer, avec vous, un véritable programme de renouveau de la chasse du gibier d’eau.
L’exemple, c’est aussi, à une autre échelle, Ducks unlimited. Je sais ce que diront certains : " Là-bas, ce n’est pas comme ici, leur action n’est pas transposable, nous n’avons pas les mêmes moyens… " Parler ainsi est la meilleure façon de ne pas avancer. Qui n’avance pas recule. Je pense qu’il serait judicieux d’étudier soigneusement cet exemple, d’envoyer là-bas une mission, avec l’Office peut-être, ou d’autres. Quand on pense que les chasseurs américains ont dû rouvrir la chasse de certaines oies au printemps, pour limiter des populations en pleine expansion. Quand pourrons-nous dire à nos chasseurs que nous travaillons dans cette voie ? Sommes-nous plus bêtes que les autres ?
Nous sommes à la croisée des chemins car des opportunités se dessinent. Le Gouvernement, je l’ai dit, est à notre écoute ce qui ne signifie pas qu’il soit à nos pieds comme certains le souhaitent avec une grande naïveté. Il y a aussi OMPO, enlisé dans ses difficultés, que nous pourrions remettre sur rails avec une nouvelle politique, une nouvelle équipe. L’Observatoire de la faune sauvage, dont les protecteurs ne veulent plus dans sa forme actuelle pourrait reprendre du service dans une conception plus neutre… et plus étendue géographiquement.
Et puis, il y a cette étonnante évolution : les protecteurs de la nature nous tendent timidement la main. Pourquoi ce changement de cap ? Peut-être ont-ils compris que leurs victoires sur les chasseurs, engrangées ces dix dernières, finalement servent assez peu la cause des oiseaux. L’exemple le plus flagrant n’est-il pas l’obligation de détruire les oies en mars aux Pays-Bas ? Toujours est-il que cette orientation est relativement nouvelle, du moins à un tel niveau d’évidence. Il n’est pas question de nous laisser endormir : quand on mange avec le diable, mieux vaut avoir une grande cuillère. Cependant, refuser cette amorce de dialogue serait maladroit. Après tout, moi aussi j’ai été diabolisé et enfermé parfois dans un rôle plus sévère que j’aurais pu le souhaiter. Alors, pourquoi pas eux ???
Voyez-vous, dans ce round d’observation, chacun teste l’autre. Une chose est sûre : ce sera donnant / donnant. Que souhaitons-nous vraiment, et que sommes-nous prêt à mettre dans la corbeille de la mariée ? Nous devons être raisonnables, tant dans ce que nous voulons obtenir, que dans ce que nous pouvons donner. Cessons de nous fourvoyer dans des voies de garage, en jouant les va-t-en guerres, en laissant croire aux chasseurs que ça va barder, et que demain, nous raserons gratis. Ces revendications irréalistes et irresponsables coupent court à toute possibilité de progrès. En plus, elles ne répondent même plus au souhait d’une grande majorité de chasseurs. Ouvrons-nous les yeux : nos chasseurs en ont assez de vociférer, de manifester. Ce qu’ils veulent, c’est chasser en paix et en toute légitimité, dans le respect des équilibres naturels.
Proposons une ouverture début août sur tout le DPM et au 15 août sur les autres zones humides : 80 % des chasseurs signeront des deux mains. La fermeture, on pourrait l’envisager pour certaines espèces précoces le 31 janvier, pour d’autres le 10 février, et pour les oies le 20. Cette période de chasse regagnée pourrait s’exercer dans un cadre particulier, pourquoi pas avec un PMA spécifique ?
Quant au PMA classique, tel qu’il s’applique sur le DPM, ne pourrait-on pas enfin l’étendre du DPM à toutes les huttes de l’intérieur ? 99 % des chasseurs n’en seraient pas gênés, à condition que ce ne soit pas une usine à gaz comme on nous en impose trop souvent. Prenons l’initiative, faisons des propositions… Ou allons-nous continuer à défendre l’indéfendable, commis par une poignée et nuisant à l’immense majorité des huttiers ?
Par ailleurs, si des scientifiques neutres nous prouvent qu’une espèce se porte mal, allons-nous continuer à la chasser, envers et contre nos propres intérêts ? En échange de justes sacrifices, nous pourrions enfin sortir du cercle vicieux qui veut qu’une espèce protégée le soit pour toujours, même quand ses effectifs remontent. Si les chasseurs consentent à un moratoire limitant pour une période donnée les prélèvements sur une espèce, ils peuvent exiger un plan de gestion global de la dite espèce, avec une véritable politique, notamment la remise en état de ses biotopes. Nous aurions beaucoup à y gagner… Certaines espèces pourraient regagner la liste des gibier, sous surveillance, par exemple l’oie d’Egypte, l’oie à bec court…
En favorisant encore davantage la nidification des oiseaux d’eau, nous donnerions également un gage de sérieux qui serait apprécié.
Nous sommes à la croisée des chemins et le choix qui se présente aujourd’hui ne se représentera peut-être pas demain. Pour ma part, gesticuler, montrer les dents, ne me semble plus d’actualité. A ceux qui s’interrogent sur l’utilité d’une Union des fédérations côtières, je réponds que dans cette nouvelle voie qui s’ouvre à la chasse, nous pouvons être des meneurs, si vous le décidez. Je devine que mes propos vous ont surpris, et il est vrai qu’un tel discours illustre un changement de cap. Mais ce changement, est-ce que nous ne le souhaitons pas tous intimement ? N’attendions-nous pas simplement le bon moment ? Si nous empruntons cette voie, demain, toute la chasse française le saura et saluera notre courage.
Je sais que ce ne sera pas facile, que nos personnels sont déjà très occupés, que nous manquons de moyens. Mais des moyens, on en trouve quand on veut s’en donner la peine. Le tout est une question de volonté et c’est ce que je vous propose aujourd’hui : la volonté d’aller de l’avant, d’explorer de nouvelles pistes, de créer de nouveaux partenariats, pour léguer aux générations futures un environnement préservé, accueillant une faune riche et diversifiée et surtout, permettant une chasse durable.
Je vous remercie de votre attention.